Comment vendre une bière qu’on n’aime pas ? Une question que l’on peut se poser légitimement. Mais avant d’y répondre, définissons bien le contexte : on partira du postulat que le produit est bon, qu’il n’a pas de défauts avérés. S’en suit 2 hypothèses : 

  • Vous êtes le vendeur direct (hypothèse 1), c’est un choix assumé.
  • Vous êtes commandité pour le vendre (hypothèse 2), ce n’est pas votre choix.

Votre mission si vous l’acceptez (en fait vous n’avez pas le choix) est de vendre le produit. Pour cela on s’est donc assuré personnellement ou indirectement que le produit est bon, c’est-à-dire conforme à son cahier des charges, dit d’une autre façon, que le style de la bière est respecté, sous réserve que ce soit bien indiqué sur le contenant. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez, vous devez même demander des explications supplémentaires auprès du brasseur, afin de maitriser et comprendre la fameuse bière.

Qu’est-ce qui pourrait faire qu’on n’aime pas une bière ? Tachons de lister les différentes causes :

  1. Vous n’aimez pas le style
  2. Vous n’aimez pas la brasserie
  3. C’est une brasserie qui vous parait trop industrielle
  4. La contenance du contenant est inadaptée à la puissance de l’alcool
  5. La bière est rejetée par la clientèle
  6. La clientèle à qui s’adresse la bière ne vous correspond pas et ça vous rebute
  7. Le prix final de la bière vous parait trop élevé
  8. Vous avez entendu des rumeurs sur des agissements tendancieux voire délictueux de la brasserie, … 

Qu’est que cela donne pour les cas énoncés :

  1. Vous êtes un professionnel, vous vous devez de connaitre tous les styles de bière, de pouvoir les expliquer, et de déceler les acheteurs potentiels, car bien évidemment il y a un marché. 
  2. A certaine(s) question(s), il faut se poser une nouvelle question, jusqu’à 5 fois selon une certaine théorie. Dans ce cas, vous allez probablement tomber sur les quelques cas suivants !
  3. Argument faible, si le consommateur aime le produit, vous vous devez d’en avoir et de lui vendre, gardez vos états d’âmes pour vous. Votre travail est de contenter la plus grosse partie de votre clientèle, vous pouvez peut-être essayer de suggérer finement de nouveaux produits, pour remplacer ce produit que vous aimez moins.
  4. Vous vous devez de prôner une consommation modérée de l’alcool et de suggérer un partage de la bouteille à 2 ou à 3. Vous faites votre devoir de conseil.
  5. C’est une bière difficile à vendre, mais vous devez le faire par une obligation contractuelle par exemple. La solution : interrogez vos clients, faites-leur gouter le produit, compilez les retours et soit vous aurez convaincu une partie de la clientèle d’en acheter, soit vous aurez des arguments pour expliquer à votre fournisseur le rejet de votre clientèle.
  6. Euh … comment dire ? C’est votre métier de vendre, non ? Alors pas de discrimination, un client est un client !
  7. Ici se positionne un distinguo, selon les hypothèses 1 ou 2 de départ
    1. Hypothèse 1 : La valeur initiale de la bière est élevée et justifiable, sinon vous n’auriez pas décidé de la vendre, à vous donc d’expliquer au client les particularités de ladite bière. On supposera que vos marges sont décentes !
    2. Hypothèse 2 : vous ne savez pas si le produit est cher à la base ou si c’est votre direction qui a abusé. Communiquez sur votre interrogation, soit on retombe dans le a. (ci-dessus) soit il y a abus, problème à résoudre donc ! Soit c’est un produit phare et rare, et dans la loi de l’offre et de la demande, le client final est prêt à payer, donc meilleure rentabilité, profit et pérennité de la société, réjouissez-vous ! Soit le prix est finalement peu justifiable, un dialogue doit s’instaurer entre vous et la direction pour expliquer votre malaise sur la situation pour ce produit et le lien de confiance que vous souhaitez continuer à instaurer avec vos clients. Au-delà, c’est un début d’impasse !
  8. À nouveau, il faut distinguer les 2 hypothèses.
    1. Hypothèse 1 : Cas plus moral et complexe. On partira du fait que vous avez du stock, quand vous avez eu vent de la fameuse rumeur, et une rumeur n’est pas une preuve non plus. On pourrait dire que la bière n’est pas responsable de l’agissement de ses créateurs, donc soldez le stock et agissez en votre âme et conscience pour la suite.
    2. Hypothèse 2 : Communiquez l’information à votre direction. Soit on retombe dans le cas a. (ci-dessus), et tout rentre dans l’ordre, soit votre direction fait la sourde oreille, voire renouvelle le stock au principe que la bière a du succès ! Que faire alors ? Se considérer en mode employé et suivre les directives : pas terrible ! Economique certes, mais ravageur à petits feux. Se désolidariser de votre direction de façon visible (pas vraiment confortable et usant aussi à moyen et long terme), enfin de façon invisible, en faisant en sorte d’éviter de conseiller cette bière/brasserie. Finalement et en admettant que le désaccord soit profond et que les rumeurs, délits soit fondés, il vous reste à changer d’employeur, en évitant le spectre de la soumission à l’autorité décrit par Stanley Milgram. La Qualité de Vie au Travail (QVT) a sa place à part entière dans le bien-être en entreprise.

À propos de l’auteur


Hervé Loux est le créateur de la société HLX Beer Consulting, société de valorisation de la bière. Il est diplômé Sommelier Bière Doemens et dépositaire exclusif de cette formation en langue française qu’il propose 2 à 3 fois par an depuis 2018.

Dégustateur passionné de bières depuis 35 ans, il a testé des milliers de bières de 115 pays à ce jour. Il est également journaliste pour Bière Magazine depuis 2010, mais aussi juge international : France, Belgique (Brussels Beer Challenge), Italie (Birra Dell’Anno), République Tchèque, Etats-Unis (World Beer Cup), Japon. Il est par ailleurs co-organisateur depuis 2018 du concours national France Bière Challenge.

Il organise régulièrement des ateliers de dégustation autour des styles, des accords bières & fromages ou encore bières & mets. Il est de façon plus générale consultant en bières : conseils, tests, analyse sensorielle, organisation du process de fabrication, formation, investissements, … ; mais aussi spécialiste du marché italien. Il est ambassadeur de la Bière avant tout ! herve@hlx-beerconsulting.com –www.hlx-beerconsulting.com